La nouvelle stratégie des mobilités de Bordeaux Métropole ne répond à aucun des enjeux qui attendent le territoire. Avec un calendrier précipité et aucune étude sur les coûts, la rentabilité socio-économique et le bilan carbone, Bordeaux Métropole engage 1,6 milliard d’euros sur la base de « croyances » pour financer des circulaires existantes, changer le nom des lianes en bus express ou encore desservir des territoires voisins qui financent peu voire rien. En se focalisant sur les problèmes de circulation automobile, cette stratégie n’apporte aucune réponse à la saturation du tramway et à l’augmentation considérable de 42% du nombre de voyageurs prévue par l’a’urba sur le réseau TBM d’ici 2030. La métropole en est tellement consciente qu’elle a revu à la baisse ses objectifs de part modale des transports en commun.
Un calendrier précipité
Alors que le vice-président en charge de la prospective annonçait à l’issue de la réunion publique du 27 mars qu’« il y aura au moins une autre, ou deux autres réunions, comme celle-ci dans le processus d’élaboration de la stratégie des mobilités », cette promesse n’a pas été respectée. Et quand, dans un conseil métropolitain de juin, le président fixait la présentation de la stratégie au dernier vendredi de septembre, elle a finalement eu lieu deux semaines plus tôt. On ne peut que s’étonner de tant de précipitation, pour un schéma aussi déconnecté des enjeux.
Une stratégie focalisée sur la congestion automobile
Les difficultés de mobilités dans la métropole sont largement résumées à des problèmes de congestion des routes et de la rocade en particulier. Le premier objectif présenté par la métropole est ainsi de « décongestionner le territoire métropolitain », ce qui est décliné en deux axes seulement : « supprimer 10% du flux de véhicules sur voirie » et « réduire les points noirs de la circulation sur voirie ». Quid de la saturation des bus et du tram ?
Les « circulaires » en transports en commun, qui existent ou déjà en projet (lianes 9, corol 35, « BNSP » dans le cadre de l’extension du tram A…), ne sont d’ailleurs évoquées que dans ce cadre. Elles n’apporteront rien à la saturation du tramway qui n’est pas due à des usagers « s’amusant » à prendre le tram de Mérignac à Pessac ou de la barrière d’Ornano à celle Saint-Genès quand le bus et la voiture sont autrement plus performants.
D’ailleurs, ce thème de la circulaire n’est que la transposition dans le monde des transports en commun de raisonnements propres à l’automobile. Alors que de nombreux déplacements sont en « baïonnette » (étude a’urba sur les boulevards), utiliser une circulaire en voiture n’oblige pas à un changement de véhicule. Au contraire, en transports en commun cela suppose deux changements, ce qui est quasiment rédhibitoire. La métropole croit-elle vraiment convaincre des automobilistes à prendre le bus avec des ruptures de charge pour ce genre de déplacements ?
Des mesures purement cosmétiques
Quant aux « bus express », il ne s’agit que d’un arrangement cosmétique comme l’ont déjà été les « Lianes » (pour LIgnes À Niveau Élevé de Service) qui étaient censées soulager le tramway à l’arrivée de Keolis. En vain. L’un de ces bus express est d’ailleurs déjà en projet vers Saint-Aubin et sa vitesse dépasse à peine les 10 km/h au centre ! Parler d’un bus express ne suffit pas pour qu’il le soit vraiment.
Quand ils bénéficieront de trop rares sites « propres », les bus devront en réalité les partager très souvent avec des vélos malgré une largeur inappropriée (moins de 4m sur plusieurs kilomètres pour la ligne de Saint-Aubin). Les conflits d’usage ne pourront se régler que par une pression accrue sur les conducteurs de bus invités à ne pas doubler les vélos, au détriment des conditions de transport de plusieurs dizaines de passagers.
Un schéma reposant sur des « croyances »
Alors que les élus avançaient trois critères, on ne dispose d’aucun élément sur le coût, la rentabilité socio-économique et le bilan carbone du principal projet recalé : le métro. À défaut d’études, il faudra donc se contenter des « croyances » du président qui « croit plus au RER métropolitain qu’au métro ». D’ailleurs, la satisfaction des trois critères par les projets retenus n’est aucunement démontrée. Sans doute faut-il encore « croire » la Métropole quand elle affirme que sa stratégie suffira comme il fallait la croire quand elle prétendait que les Lianes de Keolis, puis les terminus partiels, suffiraient ! On s’étonnera notamment de dépenser plus d’un milliard d’euros dans des bus dont il est déjà acquis qu’ils ne rouleront pas intégralement en site propre et dans un téléphérique dont le président met d’abord en avant l’intérêt touristique !
La stratégie des territoires voisins ou celle de la métropole ?
Les territoires voisins sont très bien servis, eux qui ont toujours refusé d’intégrer la métropole ou même une structure plus grande. Et pourquoi le feraient-ils puisque la Métropole dans un élan de générosité déconcertant s’engage à assumer leur part ? L’investissement dans les cars express sera ainsi supporté par le syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine Mobilités, par la Région et par la Métropole. La Métropole contribuera ainsi deux fois : directement et à titre de membres du syndicat. D’autres intercommunalités, elles, ne financeront qu’à titre de membre du syndicat (Libourne, Marmande, Nord-Bassin) et toutes les autres encore ne financeront d’aucune façon (Estuaire, Médoc, Créon, Cestas, Sud-Bassin…). Le prélèvement d’un versement transport additionnel ou l’adhésion au syndicat n’est même pas posé comme un prérequis par la Métropole dans ses largesses. Pour le RER, Bordeaux Métropole sera la seule intercommunalité impliquée et pour l’investissement et pour l’exploitation, alors que ce projet bénéficiera davantage à d’autres (Entre-deux-Mers, Bassin, Médoc, Nord-Gironde, Sud-Gironde). En retour, la métropole exigera-t-elle au moins que la région et le département cofinancent ses propres projets de transports en commun comme à Toulouse, Montpellier ou Rennes ? Non, la générosité est à sens unique.
Transports en commun : des ambitions revues à la baisse
Fort naïvement, la métropole entend transformer les automobilistes en usagers de lignes de bus imposant des ruptures de charge et qui n’ont d’express que le nom. Elle compte, tout aussi naïvement, vider les tramways grâce à des mesures qui n’ont pas fonctionné par le passé, avec les lianes. En réalité, la métropole est bien consciente de ce que les transports en commun ne seront pas à la hauteur des enjeux : c’est la seule ambition qui est revue à la baisse par rapport au plan climat, avec une part modale des transports en commun ramenée à 17% au lieu des 20% escomptés !
Malgré nos multiples sollicitations restées sans réponse, nous restons à la disposition du président de la métropole pour éviter ces échecs, dont il sera comptable.
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