idée reçue #1
Le tramway suffit largement !
Le réseau de tramway de Bordeaux est aujourd’hui confronté à deux difficultés : la saturation et la dégradation de ses performances. Avec une augmentation continue de sa fréquentation depuis l’inauguration du tramway, les rames sont très chargées et la presse régionale se fait régulièrement l’écho de l’exaspération quotidienne des usagers. La situation devrait par ailleurs s’aggraver avec la croissance démographique et l’attractivité économique de la Métropole, conjuguée à une hausse du nombre de déplacements. Le réseau TBM pourrait ainsi devoir faire face à une augmentation de plus de 40% de la fréquentation entre 2018 et 2030, soit une augmentation de 260 000 voyages supplémentaires. C’est le nombre de voyageurs que les trois premières lignes de tramway transportaient il y a quelques années !
Le réseau pourra-t-il supporter cette augmentation ? Non. Le tramway voit ses performances se dégrader. Avec la saturation, le tramway coûte plus cher à exploiter. Entre 2008 et 2018, les dépenses d'exploitation par kilomètre ont augmenté de 37 %. Alors qu'à Rennes et à Lyon, le kilomètre de métro coûte moins de 8 € et moins de 8,5 € à Toulouse, le kilomètre de tram coûte aujourd'hui à la Métropole plus de 11€. Dans le même temps, les problèmes techniques se sont considérablement multipliés. Entre 2014 et 2018, le nombre de pannes a ainsi augmenté de 146%. C'est un schéma classique : Saturation > Augmentation des fréquences > Achat de nouvelles rames > Augmentation non prévue des dépenses d'exploitation > Sollicitation extrême des infrastructures et du matériel roulant > Usure prématurée du matériel roulant et des infrastructures > Dégradation des performances > Surcoûts (travaux, réparation, manque à gagner, exploitation de bus de substitution...)
Dans l’hypercentre, les temps d’arrêt en station s’allongent en raison de l’affluence et le partage de plus en plus difficile de l’espace public impose au tramway d’adapter sa vitesse aux usagers de la rue les plus vulnérables : les piétons. Certains trajets en tramway demandent autant de temps qu’il en fallait en bus à la fin des années 1980. La vitesse moyenne du tramway peut être de moins de 15km/h dans les secteurs les plus fréquentés. Malgré la baisse de la vitesse commerciale, les conflits d’usage restent une problématique importante.
Les limites du tramway comme épine dorsale du réseau TBM sont désormais atteintes. Ce constat invite à réfléchir à un autre mode de transport collectif. Le métro a l’avantage de circuler sur un site propre intégral. Le métro offre ainsi une alternative performante à l’utilisation de la voiture. Il permet aussi de reconquérir l’espace public et de le réaffecter éventuellement aux autres lignes de transport en commun, mais surtout aux modes doux de déplacement et à d’autres activités. Il s’agit également d’un mode de transport très capacitif, susceptible d’attirer de nouveaux usagers et de décongestionner les lignes existantes.
Ce sont autant de raisons pour lesquels l’exploitant comme la Métropole se montrent très inquiets quant à l’avenir du réseau. Hervé Lefèvre, ancien directeur général de Keolis, estimait ainsi que les quelques marges de manœuvre encore disponibles seront épuisées dans moins de 10 ans. Donc le tramway, s’il rend de grands services, ne suffit probablement déjà plus aujourd’hui et ne suffira pas, a fortiori, demain.