BEX G : un bilan catastrophique
- Antonin Forest
- 17 juil.
- 6 min de lecture
Après 1 an d’exploitation, l’association fait le point sur cette ligne. Nous demandons une prise de conscience de la part des élus, de Keolis et de la métropole, car la situation est réellement catastrophique. Nous proposons un plan d’urgence pour résoudre partiellement les problèmes de la ligne.
Ce bilan démontre surtout les limites inhérentes au mode bus, celui-ci ne pouvant être l'alpha et l'oméga afin de répondre aux enjeux relatifs aux transports collectifs.
Une saturation extrême
Lors de l’enquête publique, les études prévoyaient un trafic journalier de 50 000 voy/j. Actuellement, la ligne en transporte entre 30 et 35 000. Pourtant, la saturation est déjà là en heure de pointe. Dès la Gare St Jean, le tiers des voyageurs restent à quai, les bus étant pleins, et ce jusqu’à la rocade. Les usagers sont désormais découragés de prendre le BEX, notamment lorsqu’ils ne sont pas en bout de ligne. A la station Bourse du travail par exemple, impossible de monter dans un bus en heure de pointe, même en en laissant passer plusieurs. L’usager doit donc se reporter vers d’autres lignes de bus, ou même vers d'autres modes, voiture ou vélo, et cela par dépit.
Une saturation constatée seulement quelques mois après l’ouverture de la ligne, alors même qu’on est en dessous des objectifs de fréquentation, montre que Bordeaux Métropole n'a pas fait le choix d'un bon dimensionnement de l’infrastructure. Vu les densités, un métro était pertinent au moins jusqu’aux boulevards, et le tramway sur Caudéran.
Certainement pas un bus.
Le cercle vicieux saturation / irrégularité / baisse de la vitesse commerciale
La saturation constatée entraîne des difficultés sur l’exploitation des bus. Des choix questionnables de la Métropole renforcent nettement ce problème : l’extension du BEX à MECA sans aménager d'infrastructures fut par exemple une erreur.
En effet, l’absence de machine de vente de tickets nécessite au bus de s’arrêter plus de temps lorsqu’un voyageur souhaite acheter un billet. Ce temps d’arrêt creuse la distance avec le bus précédent. Pendant ce temps, les quais des stations chargées se remplissent d’autant plus. Cela signifie que le bus doit donc s’arrêter beaucoup plus longtemps à chaque arrêt pour laisser les voyageurs se battre pour rentrer. Dans le cas d’un bus partant de la Gare Saint Jean avec seulement 3 minutes de retard, l’impact est tel que chaque station nécessite 2 minutes d’arrêt pour réussir à fermer les portes. Le bus arrive donc à Barrière St Médard en 30 minutes depuis la gare, avec 15 minutes de retard. C’est l’effet boule de neige, qui fait qu’en bout de ligne, le bus arrive avec une demi-heure de retard, suivi de 3 bus dans un intervalle de 10 minutes.

Exemple d’une situation habituelle en pointe du soir sur le BEX G : retard moyen de 15 minutes sur la ligne, des trous de 20 minutes entre les bus
Un BEX loin d’être express, et ne s'apparentant pas à un BHNS
Lors de l’enquête publique, un temps de trajet de 1h était visé entre Saint Aubin de Médoc et Gare St Jean. Les horaires théoriques sont plutôt autour de 1h10, et en réalité vu les retards moyens (15min 2 sens confondus, 20 min sens de pointe), l’usager constate des temps de trajets de plus d’1h30, ce qui fait une moyenne de moins de 15 km/h. En intra boulevards, la moyenne est inférieure à 10 km/h. La vitesse du bus se rapprochant donc de celle du piéton...
Ces temps de trajets rédhibitoires sont dus non seulement à la saturation constatée, mais aussi au manque de site propre et à l’absence de priorité sur la plupart des carrefours. Les seuls linéaires qui ont une vraie priorité aux feux sont là où il y en a le moins besoin. Les gains sont donc marginaux. Dans les secteurs où la circulation est difficile, aucune priorité agressive aux feux est en place. Par ailleurs, sur les quelques sites propres en intra boulevards, le bus doit côtoyer les vélos sur des voies bus étroites. Impossible pour le bus de doubler les vélos, le ralentissant ainsi encore un peu plus. Cette cohabitation est source de stress pour les cyclistes et pour les chauffeurs de bus, et n’est donc désirable pour personne.
Aussi, des choix là encore “au doigt mouillé” de la mairie de Bordeaux aggravent encore la vitesse commerciale de la ligne. Le meilleur exemple est celui de la mise en sens unique des avenues Louis Barthou et Général Leclerc à Caudéran. La mise en sens unique permet effectivement aux bus de gagner quelques secondes en sens entrant. Cependant, en sens sortant, les bus se retrouvent englués dans des embouteillages importants créés par la mise en sens unique, perdant ainsi 5 à 10 minutes. Force est de constater que malgré la réduction de la place de la voiture, le trafic voiture ne s’est pas évaporé, faute d’alternatives.
Enfin, la décision d’acheter un nouveau modèle de bus non éprouvé fut payée cher par les usagers, qui se contentent de bus classiques depuis plus d'un an et pour encore 6 mois (a minima). Il serait temps d'arrêter d’essuyer les plâtres de l'innovation (APS, bus à batteries sous plancher), et plutôt de se satisfaire de solutions efficaces et éprouvées
Pour un plan d’urgence pour sauver la ligne
Le constat est donc clair : la ligne est sous dimensionnée, et n’est pas optimisée. Vu la situation, un plan d’urgence doit être engagé pour sauver la ligne. L’association propose plusieurs solutions, pouvant être mises en place dans les mois qui viennent pour certaines, dans quelques années pour d’autres.
La première est de mettre aux standards BHNS les stations de l’extension MECA ainsi que de St Médard Issac, avec vente de billets sur le quai. Cela permettra d’améliorer la régularité sur toute la ligne. Conjointement à cela, la vente de tickets à bord doit être interdite.
Sur Caudéran, le sens unique voitures doit être supprimé pour que le bus puisse gagner du temps. L’autre option est de modifier le tracé du BEX en sens sortant pour qu’il passe par Louis Barthou, auquel cas de nouveaux quais doivent être aménagés.
Des priorités aux feux agressives (même système que le tramway) doivent être mises en place aux carrefours clés de l’intra bvds : rue Capdevielle sens sortant, Capucins, Rond point place André meunier sens entrant.
Au plus vite, les bus de la ligne doivent passer à 24 mètres, comme prévu initialement par l’enquête publique. Les bus électriques de 18m en cours de livraison pourraient être envoyés sur la ligne H.
Le bilan
La ligne G du BEX montre bien que le bus n’est pas la solution pour transporter les 100000 voyageurs jours supplémentaires d’ici 2040. Une ligne de 21km, permettant de transporter seulement 15000 nouveaux usagers sur le réseau par jour, est déjà au maximum de ses capacités (par nouveaux usagers on entend usagers qui n’utilisaient pas déjà les transports collectifs avant l’ouverture de la ligne).
Multiplier les BEX ne soulagera pas le réseau tramway, en démontre les prévisions du BEX CHU Malartic qui déversera plusieurs milliers d’usagers quotidiens supplémentaires sur le tram B. Les bus ne sont pas capacitaires, ne sont pas compétitifs car trop lents, et le réseau viaire de la métropole est bien trop étroit pour permettre suffisamment de sites propres (et donc diminuer les conflits d'usages). La saturation du bus montre donc que le besoin pour un métro est là, a minima sur les cours et jusqu’à Barrière St Médard.
L’étude en cours montre bien que les charges potentielles sur ce secteur correspondent à celles d’un métro.
L’association avait alerté, un peu seule, et dès l’enquête publique, des limites du projet BEX G.
Aujourd’hui, nos craintes sont devenues des constats...
La métropole doit prendre conscience de la situation sur le G, et l'ensemble des élus doivent réaliser que les bus ne sont pas la solution à tout, partout, tout le temps, et prendre conscience de leurs limites.
Récit d’un quotidien d’usager
À l’occasion de cet article, nous avons pu interroger un usager quotidien du bus express :
J’utilise la ligne G quotidiennement depuis septembre 2024 entre le centre-ville de St Médard et Palais de Justice / Victoire. Je suis étudiant aux Chartrons et pour être à l’heure à 9h30, je suis contraint de partir avant 8h, pour être assuré d’arriver à l’heure. Par chance, même en heure de pointe, j’arrive à trouver une place assise mais à partir du Haillan, le bus est plein. Les temps d’arrêts sont donc rallongés, car à partir du Grand Louis, les passagers à proximité des portes sont contraints de sortir du bus puis de remonter pour laisser sortir les autres. Les bus ont des retards généralement inférieurs à 15 minutes et les fréquences plutôt respectées, mais cela n’empêche pas les bus d’être largement surchargés. En regardant les fréquences de la Lianes 2 qui sont même en heure de pointe supérieures à 20 minutes à cause de retards importants, je relativise. Car c’est bien lors de la pointe du soir que cette ligne devient un véritable enfer. Je mets généralement entre 1h15 et 1h30 voire plus pour faire Palais de Justice > Mairie de St Médard. Les bus sont évidemment plein, je suis régulièrement contraint de laisser passer un bus “express” plein avant de pouvoir monter à bord. C’est pas grave me direz vous, la fréquence est de 5 minutes en heure de pointe. Fake news ! La théorique fréquence de 7 minutes n’est jamais respectée après 16h, à cause de retards liés aux embouteillages car le site propre de la ligne est très loin d’être intégral.
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