Projet de Bus express CHU – Malartic : contribution de Métro de Bordeaux
- Antonin Forest
- il y a 3 jours
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L’association Métro de Bordeaux souhaite contribuer à la concertation publique autour du projet de Bus express (BEX) entre le CHU Pellegrin et Gradignan Malartic. Ce projet, relancé après plusieurs années de mise en pause, présente des aménagements de qualité sur un axe pertinent, aujourd’hui insuffisamment desservi. À travers cette contribution, l’association apporte une analyse technique et prospective, dans une démarche constructive, afin d’éclairer les conditions de réussite du projet et sa complémentarité avec le futur réseau de transport structurant, notamment le métro.
Après avoir pris quelques années de retard, la métropole relance un projet conçu sous le mandat précédent. Situé sur un corridor à fort potentiel (CHU-Campus) et desservant des quartiers manquant actuellement d’une desserte efficace, ce BEX (Bus EXpress), répond à un besoin réel.
Un bon projet, en attendant le métro
D’abord, les aménagements prévus le long du corridor sont très qualitatifs, avec plus de 80% de site propre. De plus, ces sites propres sont très bien pensés et permettent d’améliorer grandement la situation au niveau des carrefours importants, via des giratoires percés et une priorité aux feux agressive. La vitesse commerciale prévue, 21 km/h, est sans doute un peu optimiste mais devrait tout de même être plutôt bien tenue grâce à ces aménagements.
Si les performances du BEX G sont très décevantes (+10% de temps de trajet théorique par rapport à ce que prévoyait le projet, et dans les faits entre +30% et +60% de temps de trajet en plus, amenant St Médard à 1h30 de la gare en heure de pointe au lieu d’une heure), le BEX prévu entre CHU et Malartic semble tirer clairement les leçons du BEX G en exploitant la largeur de voirie plus importante. En effet les principaux problèmes du G résident entre Caudéran et la gare, où le bus n’a aucune priorité aux feux, et se contente de quelques voies bus, faute de place, pas beaucoup plus performantes que celles de l’ancienne lianes 3 et de la lianes 1.
Cependant, il reste quelques points noirs sur le tracé du BEX CHU, notamment sur la rue de la Béchade, où un couloir de bus dans le sens vers Bordeaux aurait été nécessaire. Sur la rue de la Croix de Monjous, il y a également peu de site propre prévu alors même que cet axe souffre d’une forte congestion en heure de pointe.
La fréquentation prévue, de 24000 voy/j sur ce plutôt court linéaire démontre de la pertinence d’un métro sur cet axe, qui attirera de nouveaux usagers grâce aux gains de temps supplémentaire (4 minutes de trajet seulement entre Arts et Métiers et le CHU). Le projet de BEX complète d’ailleurs relativement bien le métro et permettra de le nourrir en usagers puisqu’il assure une desserte de détail entre CHU et Arts et Métiers, en parallèle de la desserte express du métro. Aussi, il permettra de relier directement Thouars au métro, en correspondance à Arts et Métiers, ou bien à CREPS dans une version optimisée de la ligne de l’étude.
D’ailleurs, le calage du modèle multimodal chargé de calculer la fréquentation pose question. En effet, les calculs de déplacement se basent sur l’enquête ménage et déplacements de 2021, faite durant le COVID. Les comportements de mobilité n’y étaient pas habituels, et cela se voit d’ailleurs sur les indicateurs de fréquentation des transports collectifs. L’étude socio-économique parle d’un recalage du modèle sur les données de validation TBM, sauf que ce sont les données de… 2021 qui ont servi de recalage. A quoi sert donc de recaler le modèle sur une année non normale, alors que depuis 2021 on a eu une croissance de +35% de la fréquentation des transports collectifs ? L’étude prévoit cependant une croissance de +45% de la fréquentation TC entre 2021 et 2027, donc ce biais de 2021 semble avoir été corrigé, peut être insuffisamment. Nous veillerons à ce que les prévisions d’augmentation de fréquentation à partir du recalage 2021 soient correctes sur d’autres projets (étude métro notamment).
Aussi, l’étude montre que la charge prévue sur Gradignan est largement insuffisante pour justifier d’un tramway. Nous espérons donc que ce projet d’extension de la ligne B, peu utile et fragilisant la ligne existante sera abandonné.
Le cours de la Libération : symptôme d’un réseau de BEX à 2 vitesses
Si le BEX CHU Malartic s’apparente vraiment à un BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), les autres lignes prévues ne le sont pas. Après le BEX I (CHU Malartic), les BEX H (circulaire boulevard), J (Presqu’île Gradignan), K (circulaire intra rocade, sur le tracé de la 35), et L (circulaire extra rocade sur le tracé de la 39), seront mis en service. Se sont en fait des bus fréquents (comme aujourd’hui), mais avec un sticker BEX et une lettre à la place d’un chiffre. En effet, ces lignes n’ont pas d’aménagements spécifiques, n’ont pas de priorité aux feux agressive, pas de quais, un espacement des arrêts trop serré, ce qui les rend tout aussi peu attractives que les autres lianes.
La situation à CREPS témoigne de cette situation : on a un BEX CHU Malartic avec priorité aux feux, rond point percé, voie bus, véhicules électriques, et les autres BEX qui passent sur le même axe, sans priorité aux feux, qui ne pourront même pas emprunter la voie bus du BEX I. Effectivement, les ronds points et intersections sont faits de telle sorte que les BEX J et K ne pourront pas emprunter l’infrastructure du BEX I, et ne pourront pas non plus s’arrêter à la station CREPS. Par ailleurs, la correspondance n’est même pas réfléchie dans les documents : on fait comme si les autres lignes de bus n’existaient pas, symptomatique d’un réseau bus à deux vitesses.
Un manque de lignes structurantes
Si le BEX est pertinent sur cet axe, il n’est pas solution à tout. C’est un complément au réseau structurant, qui permet d’assurer de nouvelles dessertes de détail. Cependant, la desserte de détail est déjà la force du réseau actuel. Ce qu’il manque ce sont des axes structurants, rapides, reliant de façon efficace les pôles générateurs de déplacement, permettant ainsi de proposer une alternative efficace face à la voiture. Par ailleurs, il devient urgent de désaturer le réseau existant, qui suffoque face à l’augmentation de la fréquentation. L’association constate une saturation qui s’aggrave sur de plus en plus de lignes, y compris des lignes de bus et en heure creuse (9, 5, 15, 31, tram C au Nord des Quinconces, BEX G, tram B campus/Talence, tram A rive droite). Le réseau n’est plus capable de faire face à l’augmentation de la demande. Les Bus Express ne permettent pas de faire face à cette augmentation. La ligne CHU Malartic par exemple, avec ses 24000 voy/j, ne couvre même pas l’augmentation annuelle de la fréquentation sur le réseau. On est donc bien loin du compte. Et ce ne sont pas d’autres lianes glorifiées qui répondront à cette croissance de la demande.
Par ailleurs, les nombreux projets rive droite (OIN Euratlantique, ZAC Quais Floirac, Brazza, Niel, Deschamps Belvédère), devront pour l’instant se contenter de ces lianes glorifiées sans priorité aux feux pour leur desserte, alors même qu’à terme ce seront les quartiers les plus denses de toute la métropole.
Afin de relier de façon rapide les pôles générateurs de déplacements ainsi que ces nouveaux quartiers, la construction d’un réseau de métro est désormais obligatoire.
Cependant, les BEX ne sont pas complètement inutiles pour autant. Ils sont une très bonne façon de faire de la desserte de détail, en complément d'un réseau express structurant. La ligne CHU <> Malartic peut jouer ce rôle. Par ailleurs, en complément de l’arrivée du métro, doit être envisagée l’extension de la branche Thouars Neruda jusqu’à Villenave d’Ornon, afin de connecter cette commune en pleine expansion démographique au métro (ZAC Villenave Centre/Vaclav Havel). Aussi, l’axe Talence <> Bègles/Villenave a une part modale en transports collectifs faible, et un tel lien permettrait d’obtenir un report modal. Également, une extension vers le centre de Gradignan et Beausoleil pourrait être envisagée, là aussi en rabattement au métro. Ces deux extensions, combinées au métro, mettraient Gradignan à seulement 20 minutes de Gambetta Mériadeck en transports collectifs (contre 45 aujourd’hui), et Vaclav Havel à seulement 20 minutes du CHU en transports collectifs. Ces gains de temps sont impossibles à obtenir avec un réseau entièrement en surface (tram, BEX), et donc pour obtenir cette attractivité en TC, il faut passer en souterrain.
En conclusion, cette ligne de Bus Express est un projet qualitatif, apportant une réponse court-terme sur un axe à fort potentiel. L’association est donc favorable au projet. Cependant, l’association rappelle que les bus sont très insuffisants face à l’augmentation très forte de la demande en déplacements, et qu’un métro est plus que nécessaire pour desservir CHU et campus, passant ainsi via l’axe du BEX. Une fois le métro en service, le BEX pourra alors servir de rabattement au métro, tout en assurant la desserte de détail que n’effectuera pas le métro sur le corridor.
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