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Du VAL au tramway, histoire d'un "échec collectif" (1)

Partie 1. 1986 : Un réseau de transport en commun en difficulté


C’est il y a déjà 35 ans que la décision de principe de créer un VAL (Véhicule Automatique Léger) à Bordeaux a été arrêtée. Grâce aux archives de la métropole, nous allons revenir dans une série d’articles sur l’histoire de ce projet et comment – alors qu’il faisait initialement l’unanimité – celui-ci a terminé au placard au profit du tramway. Point de départ de ce qu’Alain Anziani qualifie d’« échec collectif en matière de mobilité ».

Photos : prises par l’auteur aux archives de Bordeaux Métropole sauf si précisé


Le constat : Un réseau saturé


Un réseau de bus très chargé

Au milieu des années 1980, le réseau de bus menace de saturer et certaines lignes affichent une fréquentation fortement à la hausse. Les lignes les plus touchées sont les lignes FG (Bordeaux centre <> Facultés/Gradignan) avec une fréquentation en hausse de 210% entre 1976 et 1981, 7/8 (Gare St Jean <> Bacalan) et 4 (Mériadeck <> Cenon Marègue/Lormont Génicart).

Une première solution est trouvée : les mégabus (ou tribus). Ce sont des bus à trois caisses, permettant d’augmenter la capacité des lignes de bus existantes. Les élus, notamment le président de la communauté urbaine et maire de Bordeaux de l’époque, Jacques Chaban-Delmas, ne manquent pas de rappeler que c’est uniquement une solution temporaire qui ne permettra pas de résoudre les problèmes de saturation à long-terme. Les mégabus commencèrent à être testés sur les 3 lignes saturés (FG, 7/8, 4) dès le 8 Septembre 1986.

Auteur : Jean-Marie Guétat

Un parallèle avec la situation actuelle

Il serait difficile de ne pas faire un parallèle entre la situation en 1986 et la situation actuelle. Le tracé des lignes saturées est la première chose qui saute aux yeux : ne reconnait-on pas ici le tracé quasi-exact des tronçons actuellement saturés des lignes de tram A et B et des lianes des cours ? La ressemblance est frappante.

La première solution de 1986 est le mégabus. Nous pourrions faire le parallèle avec les projets de BHNS en cours (Pellegrin <> Thouars, St-Aubin <> Gare St Jean) qui ne sont au fond que des solutions pansements qui ne parviendront pas à long terme à répondre aux enjeux de fréquentation. La différence (et pas des moindres) est que, à l’époque, la solution des mégabus était clairement citée comme une solution à court terme, « en attendant » l’arrivée d’un transport lourd en site propre. Il y avait donc bien une vision à long terme quand nos élus actuels estiment que de simples bus bi-articulés toutes les 5 minutes répondront à la saturation des lignes de tram, sans parler du bilan carbone et du coût global (investissement + exploitation) d’un tel palliatif.


1986, l’année marquant les débuts du projet VAL


Premières études d’un transport en commun lourd et tentatives d’amélioration du réseau (1971-1983)

Des solutions sont recherchées pour remédier à la saturation des lignes de bus. Dès 1971, une première étude est lancée : c’est une étude préliminaire d’un métro pour l’agglomération bordelaise. Les conclusions du dossier sont déposées en février 1975. Le dossier comprend cinq études : notamment sur la géologie, les géotechniques et l’encombrement du sous-sol. À l’issue de l’étude du dossier, la ville a considéré que le rapport coût d’investissement / fréquentation était trop élevé et que la faisabilité technique était à l’époque encore compliquée.

En 1975, après la sortie d’un rapport de l’organisme d’étude de la RATP (SOFRETU) recommandant le tramway comme mode de transport pour les agglomérations de 300 000 à 1 million d’habitants, de nombreuses villes étudient la solution, dont Bordeaux. Un dossier contenant une étude économique et précisant les coûts, des tracés et stations potentiels est élaboré. L’idée ne se concrétise cependant pas. En 1978, une enquête ménage est menée dans l’agglomération pour mesurer l’évolution des déplacements. Cette enquête a permis une restructuration du réseau de bus (élaboration de « lignes pilotes ») sur la période 1978-1981.

En 1982, trois études techniques sont menées sur l’agglomération de Bordeaux : une étude socio-économique, une étude des limites du système actuel et la mise en place d’un modèle mathématique de prévision de la clientèle.


Un engouement unanime pour la construction d’un métro VAL

Le 27 Juin 1986, le conseil de la communauté urbaine arrête la décision de principe de la création d’un métro VAL. Cette décision est votée à l’unanimité. Jacques Chaban-Delmas est alors maire de Bordeaux et président de la communauté urbaine et Jacques Boissieras en est le vice-président. Ce dernier devient ensuite président d’un groupe de travail devant rassembler les conclusions de toutes les études et présenter un avant-projet dans le courant de l’année 1987. Le groupe de travail lance un appel d’offres avec concours auprès d’organismes spécialisés dans l’études d’infrastructures afin de réaliser une étude d’avant-projet sommaire (APS). Les organismes sélectionnés sont MATRA, SOFRETU et METRAM. L’APS porte sur une première ligne de VAL d’environ 10km principalement souterraine avec 13 stations dont 1 de correspondance. Il doit contenir des tracés, les modes de creusement, l’implantation des stations, leur aménagement, et les équipements interstation.

Le groupe de travail établit en novembre un calendrier de réalisation donnant 1990 comme année de début des travaux et 1994 comme année de mise en service du VAL.


Quel réseau de métro ?

Un article de Flash Communauté (le magazine de la CUB) datant de 1986 vante les mérites du métro VAL et rappelle l’enthousiasme de l’époque autour du projet. L’article rappelle les besoins de l’époque : « L'augmentation constante des besoins s'exprime aussi bien à travers l'accroissement du trafic automobile (+2,7% par an), que celui des usagers des transports en commun (+3 % par an). ». Les élus vantent les mérites du VAL en soulignant le succès du VAL de Lille et le nombre de villes ayant choisi la technologie (à l’époque Toulouse, Strasbourg, Chicago et Jacksonville aux États-Unis)

Des tracés sont évoqués, et plusieurs axes se dégagent, donnant les « lignes de désirs ».

C’est finalement l’idée d’une première ligne se dédoublant à Quinconces qui émerge : un tronçon central de Gare St Jean à Quinconces et deux branches : une partant jusqu’au Grand Parc, l’autre jusqu’au CHU. Des axes principaux de rabattement seraient ensuite constitués en utilisant les mégabus.

Hypothèse de réseau de métro et lignes de rabattement
Hypothèse de tracé de la 1e ligne de métro (1986)

En 1986, Bordeaux était confronté à une saturation de son réseau de bus. La solution trouvée à l’époque était un moyen de transport lourd et capacitaire, qui subviendrait aux besoins à long terme de la ville. Aujourd’hui nous sommes en face du même problème, mais les solutions abordées ne sont que des bouts de ficelles qui ne tiendront que quelques années tout au plus. Alors, la métropole de Bordeaux va-t-elle enfin cesser de poser des rustines et construire un moyen de transport adapté aux besoins de ses habitants ?

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