Pourquoi un métro automatique plutôt qu'un tramway (partiellement) souterrain ?
- Mickaël Baubonne

- 4 mars 2024
- 1 min de lecture
En dehors de son éventuel tronçon souterrain, un tramway est confronté aux autres usages de la rue. Cela implique la présence à bord d’un conducteur, y compris sur le tronçon souterrain. Au contraire, un métro circule sur un site propre intégral, en souterrain ou en viaduc. Il peut donc être automatique. Ce seul élément confère au métro de nombreux avantages, inaccessibles à un tramway même en partie souterrain. Les avantages de la conduite automatique sont d’ailleurs si nombreux que les nouvelles lignes de métro dans le monde sont le plus souvent automatiques et que d’anciennes lignes de métro sont automatisées. Bordeaux a suffisamment perdu de temps dans la réalisation d’un métro pour ne pas en perdre davantage avec l’étape intermédiaire du tramway partiellement souterrain. Il est important que la métropole ait, enfin, un coup d’avance.
Une solution moins sensible aux pénuries de conducteurs
En l’absence de conducteur, l’exploitation d’un métro automatique n’est pas impactée par les difficultés de recrutement d’agents de conduite. Ce n’est pas le cas d’un tramway, qui ne peut pas être automatique. Or, le réseau TBM peine déjà à recruter le personnel nécessaire pour exploiter les trams et les bus actuels. De nombreux départs ne sont pas assurés faute de conducteurs. Il n’est donc pas raisonnable d’aggraver la pénurie en ajoutant une nouvelle ligne de tram, même partiellement souterraine, qui exigerait son contingent de conducteurs. Dans ces conditions, le métro automatique s’impose comme une évidence.
Une meilleure adaptation à la demande
Le caractère automatique du métro permet de mieux gérer les pics d’affluence en station en injectant quasiment en temps réel davantage de rames. Au contraire, pour faire circuler plus de tramways, même dans un tunnel, il faut mobiliser plus de conducteurs.
la disponibilité des métros automatiques est exceptionnelle puisqu’elle frôle partout les 100 %
Au-delà des coûts engendrés, cela suppose que les pics d’affluence soient suffisamment prévisibles, ce qui n’est évidemment pas toujours le cas. Et face à des pics imprévus, exploitant et usagers seront engagés dans une spirale infernale, la saturation des rames conduisant à des retards, qui provoqueront des ralentissements qui aboutiront à une plus forte saturation et ainsi de suite. De plus, la disponibilité des métros automatiques est exceptionnelle puisqu’elle frôle partout les 100 % (Wavestone, World’s best driverless metro lines, 2017). Bien sûr, il peut arriver qu’il y ait des pannes, mais elles sont beaucoup plus courtes. En moyenne, les rares pannes sur la première ligne du métro de Rennes (du même âge que le tramway de Bordeaux) ne durent que 16 minutes et plus de 50 % durent moins de 10 minutes (Keolis, Rapport annuel du délégataire, 2017). A Bordeaux, en 2022, sur les 330 pannes du tram 100% ont duré plus de 10 minutes puisque les interruptions de moins de 10 minutes ne sont même pas comptabilisées (Bordeaux Métropole, Rapport annuel du délégant, 2023).
De meilleurs temps de trajet garantis
Un métro automatique offre des temps de trajet garantis, quelle que soit l’heure quel que soit le jour, grâce à une vitesse optimisée. Elle ne dépend en effet pas de l’appréciation d’un éventuel conducteur. Au contraire, un tramway, même à l’intérieur d’un tunnel comme à Strasbourg, circule rarement à la vitesse maximale autorisée à défaut pour le conducteur de pouvoir maintenir cette vitesse et en raison de la marge que chacun se donne.
Des fréquences plus élevées
Les failles d’un pilote automatique sont moins nombreuses que celles d’un conducteur. Ses réflexes sont aussi meilleurs. Par conséquent, l’intervalle entre deux rames de métro automatique peut être de l’ordre de la minute sans que cela impose une réduction de vitesse. Au contraire, il est couramment admis et l’expérience par exemple du tramway partiellement souterrain de Strasbourg démontre que la fréquence d’un tramway ou d’un métro à conduite manuelle ne peut être inférieure à deux minutes et trente secondes sauf à dégrader la vitesse commerciale de la ligne, y compris sur le tronçon souterrain.
les usagers du métro de Toulouse n’ont jamais à attendre plus de 5 minutes aux heures creuses en semaine et 7 minutes le dimanche
La différence entre métro automatique et tramway, même partiellement souterrain, est plus importante encore aux heures creuses à défaut de conducteurs dans un métro automatique. Alors que, à Bordeaux, il faut compter sur un tramway toutes les 10 minutes aux heures creuses en semaine et même jusqu’à 20 minutes aux heures creuses le dimanche, les usagers du métro de Toulouse n’ont jamais à attendre plus de 5 minutes aux heures creuses en semaine et 7 minutes le dimanche. Les jeudis, vendredis et samedis, le métro circule même jusqu’à 3h du matin toutes les 7 minutes ! Moins d’attente en station et une plus grande amplitude horaire, c’est la garantie d’être chez soi plus vite et donc plus de sécurité. De telles fréquences et une telle amplitude sur un tramway, même partiellement souterrain, imposeraient un nombre de conducteurs insupportable pour les finances publiques ou pour le portefeuille des usagers. D’ailleurs, les fréquences du tramway partiellement souterrain de Nice sont faibles, notamment aux heures creuses.
Une plus grande efficacité énergétique
Un métro automatique permet d’optimiser les phases d’accélération, de décélération et de freinage. Comme à Rennes, il est même possible de faire en sorte qu’une rame qui freine en alimente une autre qui accélère. Ce serait beaucoup plus aléatoire et beaucoup moins efficace avec une conduite manuelle. Par rapport à un métro avec conduite manuelle, ou à un tramway souterrain, la consommation énergétique d’un métro automatique est ainsi réduite de 15 % (Systra, L’autonomisation des transports publics, 2018). En matière de sobriété énergétique, le métro automatique est donc la meilleure solution et dépasse de très loin les enjeux de l’“éco-conduite”.
Une exploitation indépendante des aléas en surface
Un tramway, même partiellement souterrain, reste dépendant des aléas susceptibles de se produire à la surface. Un accident, l’encombrement des voies (stationnement gênant, carrefour embouteillé, manifestation...), une intervention des pompiers ou des forces de l'ordre à proximité, des ralentissements sur les tronçons en surface ont toujours des répercussions sur l’exploitation, y compris dans le tunnel. Un obstacle sur les voies en surface empêchera ainsi des rames d’accéder au tunnel ; les fréquences seront donc allongées et les quelques rames qui continueront à circuler seront saturées. Des ralentissements causés par des aléas en surface réduiront l’intervalle entre les rames, ce qui imposera de diminuer la vitesse pour éviter tout accident entre les rames qui se suivent de trop près. Or, les incidents en surface sont courants et constituaient même les principales causes d’interruptions du tramway à Bordeaux, bien avant les pannes (Bordeaux Métropole, Rapport annuel du délégant, 2023). Un métro, parce qu’il circule sur un site propre intégral, n’est jamais soumis à ce genre d’aléas. Son exploitation est donc toujours optimale.
Des infrastructures souterraines moins chères
Une rame de tramway mesure 43 mètres à Bordeaux. Accueillir une rame de tramway dans une station souterraine supposerait dès lors de construire aussitôt des quais plus longs que pour un métro automatique. Par exemple, grâce à la fréquence plus élevée offerte par l’automatisation, les rames de la 3e ligne de métro de Toulouse ne mesureront que 36 mètres tout en ayant un débit largement supérieur à celui d’une ligne de tramway. Or, en termes de coût de construction, surtout en souterrain, chaque mètre compte ! Un tramway partiellement souterrain n’est donc vraiment plus économique que si le tunnel est court et le nombre de stations très réduit. Autant dire que le service rendu par rapport à un métro automatique serait alors beaucoup plus faible. De plus, le tramway souterrain impose la mise en place d’une caténaire alors qu’un métro automatique peut être alimenté par un troisième rail. Cette solution permet d’envisager un tunnel potentiellement plus étroit et de réaliser des économies.
Des coûts d’exploitation inférieurs
Une étude a estimé que le coût d’exploitation d’une ligne de métro automatique est 40 % inférieur à une ligne de métro (ou de tram souterrain) à conduite manuelle (Wavestone, World’s best driverless metro lines, 2017). D’ailleurs, les dépenses d’exploitation par kilomètre réalisé par le métro automatique de Toulouse sont déjà 40 % plus faibles que les dépenses engagées pour faire circuler le tramway de Bordeaux. La différence de coût tient à la fois à la consommation énergétique et à la masse salariale plus faible pour l’exploitation d’un métro automatique. Dans l’hypothèse d’un tramway partiellement souterrain, un tunnel, a fortiori s’il est court, n’aura qu’un impact très marginal sur ces deux éléments.
Des ruptures de charge à l’impact limité
Avec des tronçons en surface, au coût de construction réduit, une ligne de tramway partiellement souterrain peut, pour le même prix, aller plus loin qu’une ligne de métro automatique, avec un site propre intégral sur toute la longueur. C’est même son unique avantage. Un métro peut donc imposer une rupture de charge contrairement à un tramway partiellement souterrain. Mais du fait de la fréquence plus élevée d’un métro automatique et de sa vitesse commerciale plus importante, la rupture de charge peut être largement indolore pour l’usager. Un trajet en bus en site propre puis en métro automatique peut même être plus rapide qu’un trajet en tramway avec un tronçon souterrain si ce dernier ne mesure que quelques hectomètres.
L’intégration possible d’un nouveau mode
Qui dit métro automatique à Bordeaux dit exploitation d’un nouveau matériel roulant, outre les tramways et les bus. Est-ce un problème ? Absolument pas. D’abord, la vie du réseau conduit déjà l’exploitant à gérer une flotte composée de plusieurs générations de bus, avec des motorisations très différentes, et de plusieurs générations de tramways. Chaque génération a ses problèmes propres. Le plus simple serait sans doute de renouveler toute la flotte à chaque nouveau véhicule entrant mais ce ne serait pas réaliste !
la métropole de Toulouse exploite déjà tous ces modes. Les coûts d’exploitation ne s’envolent pas : il reste stable pour le métro et, en ce qui concerne le tram, il est inférieur à celui du tram de Bordeaux
Un tramway souterrain imposerait lui aussi de commander une nouvelle génération de tramways. Cette nouvelle génération pourrait être dénuée de l’alimentation par le sol grâce au tunnel, mais alors l’exploitant perdrait le bénéfice de l’interopérabilité entre les lignes de tramway. Si, au contraire, cette nouvelle génération était aussi dotée de l’alimentation par le sol, cela conduirait à des surcoûts importants pour une technologie que les rames n’utiliseraient en réalité que très rarement grâce au tunnel. Autant dire donc qu’un tramway souterrain apporterait aussi son lot de difficultés en termes de matériel roulant. Ensuite, surtout, il existe déjà des réseaux qui exploitent des bus, des tramways et des métros et sans que cela engendre des difficultés particulières. Par exemple, la métropole de Toulouse exploite déjà tous ces modes. Le coût d’exploitation ne s’envole pas : il reste stable pour le métro et, en ce qui concerne le tram, il est inférieur à celui du tram de Bordeaux (Tisséo, Chiffres clés, 2023).
Il est parfois (rarement en réalité...) considéré que l’introduction d’un nouveau mode nuit à la lisibilité du réseau. Un tramway partiellement souterrain, avec probablement des terminus partiels vu que la fréquence nécessaire sur le tronçon central n’est pas nécessaire au-delà de la rocade, serait donc plus lisible qu’une ligne de métro automatique avec un terminus à chaque bout ? Cela ne tient évidemment pas puisque, sur une ligne de métro automatique, l’usager n’aura à retenir que deux terminus. Se déplacer sur la ligne A du tram de Bordeaux suppose que l’usager maîtrise le nom de pas moins de sept terminus pour se repérer. Mettez un tronçon souterrain au milieu que ça n’y changerait rien ! Or c’est bien cela qui nuit à la lisibilité d’un réseau et non la cohabitation de différents modes.
Pourquoi aborder alors le tramway souterrain ?
Pour mieux l’écarter ! Il n’est pas rationnel de lancer une étude de faisabilité et d’opportunité pour un métro à Bordeaux en écartant le tramway partiellement souterrain juste parce que ce ne serait pas un métro. D’abord, certains appellent aussi les tramways partiellement souterrains “métros légers”. Une telle appellation fait donc rentrer ce mode dans l’objet de l’étude sur un métro à Bordeaux. Ensuite, ne pas étudier le tramway partiellement souterrain pourrait alimenter une opposition au métro qui considèrerait, non sans raisons, que toutes les options n’ont pas été étudiées... et écartées. Enfin, les avantages du métro automatique sont certes bien plus importants que ceux du tramway partiellement souterrain, mais encore faut-il les expliciter. C’est ce que l'association Métro de Bordeaux a déjà fait dans le cadre d’ateliers projets en 2021, c’est encore ce que nous faisons ici. Il revient désormais au groupement en charge de l’étude d’opportunité et de faisabilité d’un métro à Bordeaux de le faire à son tour.




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