Gare de la Médoquine : un potentiel à saisir
- Antonin Forest
- il y a 27 minutes
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La semaine dernière, la gare de la Médoquine a ouvert aux voyageurs. Cette inauguration fait suite à de très nombreuses années de combat de la part des élus, talençais en première ligne, et constitue une excellente nouvelle pour les métropolitains et habitants du Bassin d’Arcachon. Cependant, le nombre de voyageurs par jour prévu montre qu’il existe encore une forte marge de manœuvre pour augmenter l'attractivité de la gare.
Une gare comme nœud intermodal
Située à moins de 20 minutes à pied du centre de Talence, et à proximité du campus et du CHU, la gare permet de couvrir de nombreux flux par le train. Les habitants de Talence peuvent ainsi utiliser le train pour rejoindre le bassin, et les habitants du bassin peuvent quant à eux rejoindre facilement le campus ou le CHU via le TER.
D’ici 3 ans, la Médoquine deviendra un hub de la mobilité du Sud Ouest de l’agglomération, avec le BEX I, le train, le vélo (Itinéraire Bordeaux < > Pessac campus).
Ainsi, un arcachonnais pourra rejoindre le CHU via le TER et le bus express, en un temps inférieur à celui de la voiture (1h00 contre 1h15 à 1h40 en voiture ou même davantage suivant les traditionnels encombrements de l’A63). Il s'agit donc d’une alternative compétitive qui peut réellement détourner de la voiture au profit des modes décarbonés.
Un potentiel fort pour l’instant sous exploité
La fréquentation de la gare est estimée à 4500 voy/j (selon Bordeaux Métropole), ce qui peut sembler peu au regard des nombreux équipements desservis et de la densité de population aux alentours.
À titre de comparaison, la gare de Cenon accueille 3500 voyageurs/jour (opendata SNCF) et la station de tram Montaigne Montesquieu à Pessac draine 3100 voyageurs/jour (rapport annuel TBM 2024).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faible estimation, et éclairent surtout les pistes permettant de profiter pleinement du potentiel de cette gare.
D’abord, la fréquence des trains est encore trop faible, que ce soit le matin ou le soir. En comparaison avec la gare de Cenon, qui reçoit 7 à 9 trains par heure et par sens en pointe, la Médoquine en reçoit entre 3 et 4 par heure et par sens en pointe. La différence est encore plus forte en heure creuse, avec seulement un train par heure sur la Médoquine, contre 3 à la gare de Cenon.
Actuellement, la fréquence des trains à la gare de la Médoquine oblige donc l’usager à regarder les horaires de train à l’avance afin de ne pas avoir à attendre longtemps, ce qui peut s'avérer dissuasif.
Il faudrait donc ajouter des circulations sur l’axe Bordeaux < > Arcachon, avec une fréquence de 20 à 30 minutes en journée, et 15 minutes en pointe. Le projet de RER métropolitain en cours de réalisation permettra à terme d’atteindre une fréquence de 30 minutes en journée, mais en pointe la fréquence reste trop faible (30 minutes).
Autre élément qui devrait faciliter les choses : la tarification unifiée incluant les TER dans la billettique TBM (annoncée dès le départ du projet de RER métropolitain). Afin de rendre l’offre TER/RER lisible pour l’usager métropolitain, cette tarification unifiée doit être mise en place à l’échelle du périmètre RER. L’abonnement/ticket TBM pourrait ainsi fonctionner par zones, et ne devra en aucun cas différencier les modes de transport. Par exemple, un usager allant du CHU à Cenon Gare doit pouvoir prendre le BEX I et faire la correspondance avec le RER jusqu’à Cenon via un seul ticket TBM, au même prix que pour un voyage en bus ou tram. Si l’usager veut se rendre à Libourne depuis le CHU, l’usager paierait un ticket à un tarif plus élevé, correspondant au nombre de zones traversées.
A noter que d'autres agglomérations, par exemple celle de Tours, a mis en place un tel dispositif depuis le 1er septembre 2025, alors même que son projet de RER est à un stade bien moins avancé que celui de la métropole bordelaise.
Une telle tarification imposerait nécessairement des accords entre la région et Bordeaux Métropole sur les recettes.
Les recettes générées par un abonné TBM toutes zones (incluant donc le périmètre de tout le RER métropolitain) sont-elles envoyées à la région ? Si oui dans quelle proportion ? Un modèle de financement équitable doit être trouvé, permettant ainsi à Bordeaux Métropole autant qu’à la Région de ne pas perdre de recettes, mais au contraire de profiter d’une probable augmentation des recettes liée à une meilleure attractivité du RER.
Par ailleurs, si un système de tarification unifiée est mis en place, un gain d’attractivité très fort aurait lieu sur le réseau TER, notamment au sein de la métropole. Or, les trains sont déjà parfois saturés en pointe, et l’augmentation du service prévue par le projet de RER métropolitain n’augmente pas la fréquence des trains en pointe, mais uniquement en heure creuse. Aussi, l’infrastructure existante, ainsi que la cohabitation entre TGV, TER, Intercités limite le nombre de circulations, particulièrement sur la tranchée de Talence.
Il s’agirait donc plutôt d’allonger les trains, en généralisant les circulations en UM (unités multiples). Une commande de trains plus adaptés au mass transit doit également être envisagée.
Actuellement, les trains commandés sont des Regio2N de petit format (ce qui oblige à mettre plusieurs trains bout à bout, et fait perdre de la longueur utile). Ces trains, bien que répandus dans toute la France ne sont plus adaptés à l’affluence observée, et encore moins à l’affluence future. Les trains RER doivent s’apparenter à du mass transit, et donc doivent ressembler plutôt au matériel roulant des Transiliens et RER d'Île de France. Plusieurs rames présentes en Ile de France paraîtraient tout à fait adaptées aux dessertes du RER bordelais : les Z50000 (aussi appelées “NAT”). Ces rames du transilien parisien ont une grande capacité d’emport grâce à leur largeur et des échanges en station plus rapides en raison de nombreuses portes. Également, les RER NG en cours de livraison sur les lignes RER D et E ont des aménagements intérieurs particulièrement adaptés au mass transit. Bien entendu, ces rames sont calibrées pour l’infrastructure ferroviaire d’Ile-de-France, mais les agglomérations de province pourraient se réunir pour commander conjointement un nouveau matériel ferroviaire auprès de la CAF, Alstom, ou autre constructeur, avec un intérieur aménagé pour emporter un maximum de voyageurs, permettre des échanges rapides en station, mais également réduire les coûts.
La ceinture ferroviaire, un potentiel également sous exploité
L’enquête ménage et déplacements de 2021 a montré que des flux importants existaient entre les communes extra boulevards (Mérignac/Bouscat/Bruges/Bordeaux Maritime/Bordeaux Lac), et que la part modale de la voiture y était particulièrement forte. La ceinture ferroviaire se situe très exactement sur cet axe, pourtant, la fréquentation y est faible à l’heure actuelle (moins de 10000 voy/j). Les raisons de cette fréquentation faible sont précisément les mêmes que pour la gare de la Médoquine : offre non associée à la billettique TBM (seul un supplément de 10€ par mois peu connu des usagers permet d’accéder au TER dans la métropole) et fréquence trop faible. Etant donné que la ceinture ferroviaire ne voit passer que des TER Bordeaux St Jean/Pessac <> Médoc, un cadencement et une fréquence élevée sont possibles, au moins sur la partie à 2 voies. Ainsi, des trains Pessac/Bordeaux St Jean pourraient avoir pour terminus la halte Bouscat Ste Germaine, en correspondance avec une ligne de tramway Bouscat Ste Germaine < > Cenon Gare via Cracovie, Latule, Cité du Vin, Pont Chaban Delmas. Avec une tarification unifiée, Bordeaux aurait ainsi une circulaire forte autour de Bordeaux, à un coût raisonnable.
La Médoquine au secours de la Gare St Jean : le métro
La Gare St Jean présente des signes de saturation, alors même que sa fréquentation est prévue d’augmenter de façon significative durant les prochaines années (voir notre article (https://www.metrobordeaux.fr/post/la-gare-saint-jean-doit-%C3%AAtre-m%C3%A9tro-compatible) . Au-delà du projet de Grande Gare en cours, la désaturer devient un impératif.
Une des solutions possibles consisterait à utiliser les autres gares (Médoquine, Cenon) pour capter les flux à destination de Bordeaux plus en amont. Pour cela, il faut que cela soit plus rapide de passer par ces gares plutôt que par la Gare St Jean. Comme nous l'avions identifié dans notre projet, le métro jouerait parfaitement ce rôle. L'étude en cours commandée par la métropole identifie également cette option le tracé retenu passant par la gare de la médoquine.
Grâce au métro, et depuis la médoquine, il serait alors possible de rejoindre Mériadeck en 4 minutes, et le CHU en 2 minutes. Ainsi, les usagers venant du bassin, ou bien de Cestas éviteraient la Gare St Jean et rejoindraient Bordeaux via la gare de la Médoquine en métro, et ce bien plus rapidement qu’en voiture.
Conclusion
L’ouverture de la gare de la Médoquine est une réelle avancée pour les Talençais, et plus largement pour tous les métropolitains, ainsi que les habitants du bassin d’Arcachon et du Médoc.
Afin de profiter pleinement du potentiel de cette gare, l’association propose plusieurs pistes : une tarification unifiée, une meilleure fréquence, des rames mieux adaptées au mass transit.
Une amélioration de l’offre sur la ceinture ferroviaire, ainsi que la construction du métro transformeraient la gare de la Médoquine en véritable hub multimodal à l'échelle de la métropole.
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