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Zoom sur… le métro de Toulouse (1)

Partie 1. La genèse


À Bordeaux, le cœur du réseau de transport en commun, ce sont nos quatre lignes de tramway (ligne A, B, C et D) inaugurées entre 2003-2004 pour les premières et 2020 pour la dernière, avec de nombreuses extensions entre ces deux dates. C’est sans compter sur celles qui sont envisagées pour l’après 2020. Mais depuis quelques années, le bilan du développement du tramway à Bordeaux est discuté. D’un côté, il a été l’occasion d’une transformation spectaculaire de l’espace public bordelais, redonnant à la ville ses lettres de noblesse, le tout entériné par le classement de la ville centre et du Port de la Lune à l’UNESCO en 2007. De l’autre, le tramway, « victime de son succès » ou de son sous-dimensionnement subit des pannes de plus en plus fréquentes, une détérioration accélérée de ses infrastructures et de la vitesse commerciale et n’a pas suffi à résoudre les problèmes des mobilités dans l’agglomération. À tel point que le président de la Métropole parle aujourd’hui d’un échec collectif. Depuis l’inauguration des premières lignes il y a presque 20 ans, l’imaginaire collectif bordelais reste pourtant persuadé que le tramway est un horizon indépassable en matière de transport en commun et qu’on ne peut pas faire mieux pour Bordeaux dans les prochaines décennies. Peut-être est-ce parce que notre ville manque d’éléments de comparaison. Bordeaux est une des seules agglomérations du Sud-Ouest à disposer d’un réseau de transport en commun autre que le bus. Mais une autre ville, située à 250 km plus au sud a fait un tout autre choix en matière de transport. Il s’agit de Toulouse, doté depuis bientôt 30 ans de deux lignes de métro automatique de type VAL. La première ligne, la Ligne A, a été inaugurée le 26 juin 1993 et la seconde, la ligne B, le 30 juin 2007. Les Bordelais ayant déjà voyagé ou vécu à Toulouse après avoir connu Bordeaux et son tramway ont pu apprécier la différence de taille en termes de rapidité et d’efficacité.


Deux lignes traversant une ville plus vaste que Paris

Toulouse a la particularité d’être une commune très vaste. Quand la superficie de Bordeaux n’atteint même pas 50km2, celle de Toulouse dépasse les 110km2. Cela n’a pas empêché la métropole d’imaginer un réseau de métro en croix traversant la ville.

La ligne A suit un axe nord-est / sud-ouest et relie la station Balma-Gramont, sur la commune de Balma, à celle de Basso-Cambo, dans Toulouse. La ligne B traverse la ville du nord au sud et relie la station Borderouge, dans le nord de Toulouse, à Ramonville, au sud-est.


Une esthétique soignée

Dans l’imaginaire collectif Bordelais, le métro serait « peu accueillant » car sous terre, loin de la lumière du jour. L’endroit serait propice aux agressions et à une certaine forme d’inconfort. Cet argumentaire se fonde souvent sur un unique exemple, le métro de Paris, pourtant bien plus ancien que celui de Toulouse. Pour les métros les plus récents, comme celui de Toulouse, de Rennes ou de Lille, une attention particulière est accordée à l’esthétique des stations et à leur intégration. Chaque station dispose d’une œuvre d’art unique, donnant à chacune d’elle, une ambiance particulière.


L’émergence de la nécessité d’un réseau structurant

À la base, rien ne prédestinait Toulouse à être équipée du métro. Comme beaucoup de villes à la même époque, Toulouse avait abandonné son réseau de tramway dont les dernières lignes ont été fermées en 1957 pour laisser la place à l’automobile triomphante des Trente Glorieuses.

Le premier choc pétrolier en 1973 et la saturation de la voirie du fait de l’omniprésence de l’automobile vont porter un premier coup à cette hégémonie de la voiture et relancer l’idée que les plus grandes agglomérations doivent s’équiper d’un transport en commun structurant. C’est dans ce cadre que Toulouse fait partie des huit villes sélectionnées (parmi lesquelles Bordeaux, Grenoble, Nancy, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon) par le Concours Cavaillé le 27 février 1975. Ce dernier avait pour objectif d’inciter ces villes à étudier la réintroduction du tramway tout en précisant les choix techniques et les échéanciers pour la réalisation. Aucune de ces villes ne donnera dans l’immédiat une suite à ce concours. Il faudra attendre mars 1980 pour que le syndicat mixte de l’agglomération toulousaine prenne la décision de principe de créer un réseau de transport en site propre. À ce moment-là, le choix du mode n’est pas encore acté à Toulouse et l’idée du retour d’un tramway, initiée par le Concours Cavaillé cinq ans plus tôt, semble s’imposer. C’est d’ailleurs à la même époque que Nantes, qui ne faisait pas partie des villes sélectionnées par le Concours Cavaillé, relance le tramway moderne avec un matériel roulant conçu par Alstom et l’inaugure avec succès en 1985. Ce renouveau sera suivi par Grenoble deux ans plus tard.


L’intégration difficile d’un tramway au cœur de Toulouse

Néanmoins la ville de Toulouse souffre d’un handicap majeur : sa morphologie urbaine composée de petites ruelles étroites et d’un nombre insuffisant de grands axes structurants correctement dimensionnés. Cette particularité rend l’implantation d’un tramway en surface délicate bien que théoriquement possible.

Or le tramway moderne n’est pas le seul à trouver sa place dans les villes à l’époque puisque Lyon et Marseille inaugurent leurs premières lignes de métro à gabarit classique en 1977 et 1978. De son côté, Lille développe un nouveau système imaginé par le professeur Gabillard de l’Université de Lille-Villeneuve-d’Ascq : le VAL (véhicule automatique léger), un métro à petit gabarit. Il s’agit alors du premier modèle de métro entièrement automatisé au monde. La ville construira ainsi deux lignes de métro VAL, inaugurées en 1983 pour la première et 1989 pour les premiers tronçons de la seconde (elle sera étendue par la suite).


Le choix du métro VAL à Toulouse

Par la suite, les constructeurs du VAL vont démarcher d’autres villes de France pour vendre ailleurs ce nouveau modèle de métro (auprès de Bordeaux, Strasbourg, Rennes, ainsi que Toulouse). Toulouse y est favorable sur le principe. Néanmoins, un débat s’engage à l’époque pour comparer les mérites du tramway vis-à-vis du VAL. En avril 1984, le syndicat mixte de l’agglomération toulousaine adopte une double décision, celle de réaliser un système de transport d’agglomération et d’autre part, l’obligation de traverser le centre-ville de Toulouse en souterrain. Cette dernière décision est motivée par la mairie qui refuse de voir réapparaître des rails et des fils de tramway dans le centre-ville. Dans la foulée, le syndicat commande une étude comparative entre le VAL et le tramway en site propre. Selon l’étude, quel que soit le mode choisi, les deux lignes A et B envisagées desservent à distance de marche près du quart de la population et 40% des emplois, le tout accompagné d’un réseau de bus servant à rabattre les usagers vers les stations et à opérer le lien avec les banlieues. Le VAL révèle une vitesse commerciale plus élevée (30 à 32 km/h) par rapport au tramway (25 à 28 km/h selon les estimations de l’époque).


Reportage du 18 Avril 1985 sur le dossier du métro avec interviews des différents acteurs à l’origine du projet


Reportage du 23 Avril 1985 sur le projet de métro à Toulouse


Le principe de la traversée du centre de Toulouse en souterrain va beaucoup compter dans le choix du mode à venir, le tramway s’en trouvant en partie disqualifié aux yeux des élus, en raison du coût très proche entre un tramway en section souterraine et un VAL entièrement souterrain.

À la veille du vote, deux camps s’opposent entre les partisans du VAL (élus toulousains, municipalité du MRG et du PC, le Comité Economique et Social de Midi-Pyrénées, la CFDT et FO) et les partisans du tramway (PS et les comités de quartiers de Toulouse).

Le mardi 9 juillet 1985, le syndicat mixte se réunit pour le vote. Après deux heures de séance entrecoupées de suspensions, les élus ne parviennent pas à se départager : neuf voix d’un côté pour le VAL (celles des élus toulousains et du nouveau président du syndicat, Guy Hersant), neuf voix pour le tramway, celles des six conseillers généraux et des trois délégués du Syndicat intercommunal. Le VAL l’emporte de peu grâce à la voix prépondérante du président Guy Hersant, selon les statuts du Syndicat et les règles définies par le Code des Communes.

Le choix de la construction d’une première ligne de métro à Toulouse est alors entériné.


Reportage sur l’état d’avancement du projet de métro du 06 Avril 1988


Sources :

Hugues Beilin et Pierre Rey, Un métro pour le Grand Toulouse, éditions Privat, 1993

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